Premiers coups de pedales en royaume Khmer.
Lundi 13 février, nous quittons le Vietnam dans la matinée après un dernier café viet bien apprécié. Les passants nous indiquent le poste de frontière situé sur le Mékong où nous devons faire tamponner notre passeport pour la sortie du territoire, puis nous allons rejoindre le poste frontière cambodgien, un peu plus loin sur la route, après un gros dos d’âne de sable.
Arrivés de l’autre côté, les douaniers très gentils nous indiquent de suivre un jeune homme en scooter à qui ils viennent de confier nos passeports. Nous le suivons à travers bois pour rejoindre le petit village au bord du fleuve et le poste de police le plus près pour pouvoir faire notre demande de visas.
Le policier concerné par notre demande arrive sans se presser, et nous prépare nos visas en regardant une série télévisée sur son portable ; en plus, il nous demande 21 dollars chacun, alors que le prix (20 dollars) est écrit en gros au dessus de sa tête !
Une fois les visas collés et tamponnés, nous faisons un tour dans la banque voisine où nous ne pouvons malheureusement pas retirer d’argent. Heureusement, il nous reste quelques dongs et des dollars à changer, ça ira pour les prochains jours !
Nous rencontrons ensuite, en mangeant notre première soupe de noodles cambodgienne (qui ressemble bien à celles d’avant !), un jeune homme qui travaille dans le coin et qui nous donne vite quelques précieux conseils sur son pays. Il nous explique notamment que, contrairement au Vietnam, il est difficile, voire impossible, de trouver des petits hôtels sur la route, et nous conseille donc de demander aux moines à dormir dans les pagodes.
Ecoutant notre copain du jour, nous ne perdons pas de temps et ferons notre première demande le soir même, après avoir pédalé sur une route très sympa bordée de maisons sur pilotis (en prévision du débordement du Mékong lors des moussons), mais très déserte comparée aux routes parcourues auparavant dans le pays voisin, et après avoir pu savourer les premiers sourires cambodgiens.
Nous sommes aussi vite amusés de croiser ces grandes et maigres vaches blanches que nous ne pensions voir qu’en Inde, de constater que le chapeau pointu de paille n’est plus à la mode ici mais que tout le monde porte sur la tête, en écharpe, ou autour de la taille un tissus à carreaux : le krama. Le long de la route, on remarque également de gros tuyaux bleus provenant du Mékong et servant à alimenter les villages en eau. On voit aussi des magasins spécialisés dans le rechargement de batteries avec groupe électrogène pour avoir le soir un accès à l’électricité dans les foyers, et des bouteilles en verre de Pepsi ou de Coca Cola remplies d’essence au bord de la route : un litre dans le scooter, ça suffit !
Cette fin d’après-midi là, nous entrons intimidés dans ce grand espace, traversant d’abord la cour de l’école, puis l’enceinte de la pagode. Auparavant, école et religion étaient reliées, aujourd’hui, elles sont séparées mais qui dit pagode dit école pas loin, et inversement.
Nous apercevons la maison où logent les moines, leurs grandes toges orangées sèchent aux fenêtres. Nous sommes bien accueillis par les jeunes moines et quelques professeurs, mais malheureusement notre demande sera refusée par le chef de la pagode qui a eu des problèmes avec ce genre d’accueil auparavant.
Un instituteur nous aide alors à trouver un endroit où dormir, et nous nous retrouvons dans le logement des travailleurs de l’usine voisine. Nous payons un peu cher pour la « chambre », mais l’ambiance est rigolote. Plusieurs jeunes filles nous proposent de nous faire à manger dans leur chambre.
Le changement de pays est pour nous souvent fatigant (changement de langue, de monnaie, de petites habitudes, premiers pas dans un pays inconnu…), de plus nous commençons à sentir les 400 km parcourus dans le sud du Vietnam, nous voulons donc commencer notre découverte du Cambodge par quelques jours de repos. Après une tentative ratée dans la première ville après la frontière, bruyante, sans intérêt et pleine d’arnaques (même pour une lotion anti moustique à la pharmacie !), nous décidons de rejoindre Phnom Penh relativement vite pour ensuite se prendre quelques jours de « vraies vacances » en bord de mer.
Le 15 février, nous partons donc en direction de la capitale. Sur la route dans l’après-midi nous croisons un café-hamac, établissements que nous avons malheureusement plus de mal à trouver ici. Nous sautons sur l’occasion et l’accueil ne nous déçoit pas : les deux petites filles tout en rose nous lancent des grands sourires et jouent joyeusement à l’élastique pas très loin, tandis ce que leur mère nous offre une bonne mangue et nous sourit tout autant. En montrant les toilettes à Marjo, elle lui prend la main, lui parle en khmer puis lui touche le nez en souriant.
En fin de journée, nos yeux sont attirés par une tête de Buddha peinte en noir que nous apercevons au loin dépasser au dessus des arbres. Après une rangée de statuettes, nous arrivons dans une grande cour pleine de manguiers et d’arbres en tout genre : le temple se trouve au milieu d’un village au bord du Mékong. Très vite, les habitants viennent nous parler et nous accueillent très chaleureusement. Certains parlent anglais. Ils nous proposent alors de rester là pour la nuit, à condition que le chef soit d’accord. Ca tombe bien, le soleil se couche bientôt et c’est plutôt pas mal comme cadre pour finir la journée !
Nous entendons des instruments, chants et paroles qui nous semblent être des prières, on nous explique alors que le chef et des fidèles sont en train de prier, ce qu’ils feront jusqu’à la nuit, puisqu’aujourd’hui, c’est une cérémonie spéciale.
Après avoir été invités à manger par une famille, la fille du chef vient nous chercher « vite, vite, mon père veut vous rencontrer maintenant », nous la suivons jusque dans le temple. La musique nous envahit vite. Au fond, les musiciens jouent, au milieu, les femmes dansent, autour, les fidèles prient, et devant, le chef est là, tout en femme vêtu.
On nous donne alors deux grands saladiers remplis de pétales de rose, notre regard complice de « zut qu’est ce qu’on va faire avec ça ?» ne les laisse pas indifférent, on nous explique qu’il faut se mettre à genou devant le chef et le décorer avec les pétales de roses. Nous faisons du mieux que nous pouvons, appliqués, puis il nous parfume les mains que nous devons ensuite venir joindre devant notre visage.
Après ça, nous allons nous installer au fond du temple, non loin des musiciens, et nous observons avec intérêt cette cérémonie se dérouler. Nous nous asseyons, genoux pliés et pieds derrière les fesses, car il ne faut jamais mettre les pieds face au Buddha là bas devant.
La cérémonie se déroule en plusieurs temps, guidée par les changements de costumes du chef, qui va se changer trois fois.
Le premier costume, lorsque nous arrivons dans le temple, est très féminin. Il porte une robe rose et dorée, des tas de bijoux ornent son corps et ses cheveux longs coiffés d’un chignon, et il a une fausse poitrine. Ce temps est donc consacré aux pétales de rose et au parfum des mains des fidèles. Nous ne pouvons malheureusement pas vous informer sur la signification de ces gestes…
Le second costume est très féminin également.
Le troisième costume est très simple, cette fois ci il ne porte qu’un simple pagne de couleur verte autour de la taille. Il monte sur un taureau en bois avec une massue dans chaque main, et fais quelques poses très bestiales, puis il tourne plusieurs fois autour de lui-même très doucement, pendant que les fidèles prient ou le prennent en photo avec leur smart phone ( !).
Le quatrième costume ressemble à un costume de roi, très doré et alimenté de bijoux, et c’est l’heure des confessions. Chacun à leur tour, les fidèles vont lui parler et lui offrent des fruits. Il écoute, attentif, puis répond, et se moque parfois en leur crachant des pépins de pastèque ou même des bouts de mangue dessus.
Un groupe de jeunes nous proposent d’aller nous confesser, nous refusons poliment, en expliquant rapidement que pour nous ce serait un manque de respect et que nous n’avons pas la même religion.
Plusieurs fois, un homme passe avec un plateau sur lequel se trouve un grand vase en métal rempli d’eau et de pétales de roses et d’une petite tasse que les fidèles remplissent l’un après l’autre pour se laver les mains et le visage puis boire un peu de ce breuvage. Cette fois-ci, nous acceptons la tasse que l’on nous tend, sous l’œil amusé de nos voisins.
La cérémonie est également rythmée par les instruments à bois exotiques et des tambours des musiciens qui jouent sans relâche après chaque parole du chef (nous regrettons à ces moments là de ne pas comprendre le khmer, langue cambodgienne !). Les femmes se mettent alors à danser, un jeune homme danse aussi, il est très féminin et son ongle de pouce doit mesurer 15 centimètres.
Si nous ressentons au début quelques regards gênés et surement troublés par notre présence, les fidèles nous lancent vite des sourires et ont l’air plutôt touchés de nous voir rester jusqu’au bout. Nous observons avec intérêt cette cérémonie, très colorée, très gaie, très musicale, et aussi très différente d’autres cérémonies religieuses que l’on avait pu voir jusqu’à maintenant…
Vers 23h, c’est l’heure d’aller se coucher. Les villageois nous ont préparé notre lit dehors sous un petit toit en taule, sur une grande planche de bois sur élevée recouverte de nattes en plastique tressé (planches qui leur servent de table, puis de lit). Nous nous endormons avec les bruits de la nuit et dormons au frais, pensifs de ce que nous avons vécu ce soir là.
Le lendemain, lorsque nous nous levons, quelques villageois et le chef balayent la cour des feuilles tombées pendant la nuit. C’est calme et paisible. Au moment de partir, nous comprenons que deux hommes que nous avions vus la veille sont en train de nous préparer un petit déjeuner… Nous repartirons donc le ventre plein de riz, soupe, œufs, et avec un sac plein de mangues pour les jours à venir !
Nous arrivons en fin de matinée à Phnom Penh et nous installons dans une « guest house », avant de passer une journée à ne rien faire, à part dormir et manger, en gros. Nous sommes quand même vite surpris par le fait qu’ici, tout se parle en dollars, qui est enfait la deuxième monnaie du pays. Chaque khmer a, dans sa poche, une liasse de riels et de dollars mélangés.
Le lendemain, nous avions prévu d’aller visiter le musée Tuol Sleng, connu également sous le nom de « prison S21 », désireux d’en apprendre plus sur la période difficile qu’a connu le Cambodge dirigé par les Khmers rouges entre les années 1975 et 1979.
Leur organisation a mis en place une dictature d'une extrême violence chargée de créer une société communiste sans classes, purgée de l'influence capitaliste et coloniale occidentale ainsi que de la religion.
Le Kampuchéa démocratique, régime mis en place par les Khmers rouges, n'a officiellement pas de prisons, mais de nombreux « centres de rééducation ». Des cambodgiens y sont incarcérés sous les prétextes les plus variés, allant du délit de droit commun à la dissidence politique (réelle ou supposée), en passant par les relations sexuelles hors mariage, la connaissance d’une langue étrangère, le fait de porter les lunettes… Les prisonniers des centres sont détenus dans des conditions abominables, et régulièrement soumis à la torture, pour être amenés à confesser des délits souvent imaginaires. La durée de survie des détenus ne dépasse généralement pas trois mois.
Le musée Tuol Sleng est un ancien lycée transformé en centre de détention par les khmers rouges, désigné sous le code « S-21 ».
Nul besoin d’essayer de transmettre nos sentiments sur le passage dans ces salles et cellules en essayant de comprendre que des centaines de personnes y ont été torturées et enfermées ; la journée fut intéressante, mais pas facile !
Le lendemain matin, nous laissons nos vélos à l’auberge, et montons pour la première fois dans un tuc-tuc pour rejoindre la gare routière qui est un peu trop loin pour s’y rendre à pieds avec nos gros sacs que nous n’avons plus l’habitude de porter !
Nous montons dans un bus première classe (mais le moins cher !) en direction de Kep, petit village situé dans le golfe de Thaïlande, à seulement quelques kilomètres de la frontière vietnamienne.
Arrivés sur place, nous voulons rejoindre l’auberge que nous ont conseillée Mr Routenvrac et Mme Cartensac, alias Rémi et Sophie, avec qui nous gardons contact ; les tuc-tuc nous harcèlent : non, merci, nous pouvons marcher ! L’un d’entre eux est amusé par notre déterminisme et nous suit lentement en nous posant des questions. Finalement, il nous dit de monter, il nous propose de nous déposer vers l’auberge gratuitement. On accepte, il fait quand même bien chaud et on sent le poids de nos sacs peser sur nos petites épaules maintenant habituées au luxe du vélo-porteur !
Nous arrivons au « tree top bungalow » en début d’après-midi, et nous sommes vite charmés par cette auberge excentrée du village, où nous pouvons loger dans un petit bungalow avec un hamac devant et une vue sur les bananiers. Là, c’est mission repos, et c’est tout ! Nous restons là jusqu’au mardi matin, nous passons une journée à deux sur un scooter à se perdre dans les salières et les petits villages, manger des noix de coco sur la plage et manger des poissons grillés au bord de l’eau devant le coucher de soleil.
Mardi 21 février, notre copain chauffeur de tuc-tuc que nous avons recroisé plusieurs fois dans le week end vient nous chercher gratuitement pour nous amener à la gare routière : la veille, il nous avait proposé des billets de bus pour retourner sur Phnom Penh au même prix que si nous les prenions en montant dans le bus, nous lui avons donc fait cette petite faveur, amusés par cette relation et ces échanges que nous avons eu avec lui.
Nous arrivons à Phnom Penh en début d’après-midi, et passons du temps à écrire et trier nos photos. Demain, c’est reparti pour de nouvelles aventures !
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8 avril 2012
Coucou,
On vous voit comme on s’est vu au S21 plutôt tendus puis à Kep en total relax…
@+
8 avril 2012
Coucou! J’espère que vous allez bien!? Votre aventure est fabuleuse!!! Les photos sont géniales! j’espère que tout se passera bien pour la suite! Gros bisous à vous deux!
9 avril 2012
Magnifique récit! J’ai dégusté votre histoire en présence de Moka qui est toujours aussi pot de colle ! ^^
Moka et moi on vous jette des pétales de roses pour vous souhaiter bonheur et chance pour la suite de votre périple ! (il faudrait aussi que j’en jette un peu sur Moka car il sent pas toujours la rose à force de trainer dehors!)
9 avril 2012
Quel article magnifique, on en apprend des choses! Donnez nous aussi quelques mangues, des noix de coco à déguster et la lecture n’en sera que meilleure.
Portez vous bien les ptits loups.
11 avril 2012
viens les chercher ! muahahaha